Qu’achète-t-on quand on achète un vase Gallé ?

Les objets en verre d’Emile Gallé, vases ou lampes, sont fréquents en ventes publiques et chez les antiquaires. Mais pourquoi les prix sont-ils variables, du simple au décuple, souvent 2000 €, parfois 20 000 € et jusqu’à 300 000 € ?

Il faut savoir que cette fourchette très large de prix est totalement justifiée car Gallé a eu 2 types de production de ses verreries.

La suite de cet article a été transféré sur le site Prodezarts :

Cliquez ici pour découvrir les deux productions de verreries d’Emile Gallé qui expliquent la variation du prix de ses vases.

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Collectionner les estampes de Paul Jacoulet

Suite de Paul Jacoulet, artiste français de l’estampe japonaise : technique, stylistique, sujets

Le marché des estampes de Paul Jacoulet (1896-1960)
Les estampes de Paul Jacoulet sont plutôt rares mais encore abordables car la demande encore est faible.

4 critères déterminent le prix des estampes de Paul jacoulet.
Deux sont prépondérants (et très habituels dans l’estampe) :
– l’état de conservation
Les estampes de Jacoulet ont été souvent utilisées comme les beaux objets de décorations qu’elles sont d’ailleurs. Elles ont été encadrées et exposées sans précautions. Elles peuvent donc être décolorées ou jaunies quand elles arrivent sur le marché.
– Le sujet
Certains sujets sont plus appréciés que d’autres faisant varier les prix du simple au quadruple.
Le 3ème : La taille fait varier le prix.
Un 4ème critère plus particulier détermine la valeur de ses estampes :
La virtuosité de l’impression avec des poudres de mica (assez courante dans l’estampe) d’or, d’argent, de perle (beaucoup plus rare) est un facteur à l’origine de prix plus importants. Ces techniques sont compliquées et la génération des imprimeurs capables de les mettre en œuvre peine à se renouveler.

Les prix :
On trouve donc des estampes de Paul Jacoulet à partir de 600 € et jusqu’à 5000 € en fonction de ces critères. La plupart  coutent entre 800 € et 1300 €.

Paul Jacoulet Micronesie 04

Tailles :
– La majorité des estampes sont des oban de 39 cm x 26 cm, (le format oban, le plus courant dans l’estampe japonaise, est en général variable à quelques cm près chez un même éditeur mais les oban de Jacoulet sont toujours de même dimension.)
– Plus rare : grand oban,
– Exceptionnel : le format carte postale pour une série ou des séries de cartes de Noël.

Existence de faux Jacoulet ?
Il n’existe pas de faux dans la mesure où la contrefaçon serait techniquement très difficile. Elle nécessiterait des graveurs et imprimeurs chevronnés qu’il faudrait payer très cher et il n’y a pas assez de demande pour les estampes de Jacoulet pour que ce business soit lucratif.

Existence de rééditions
A notre connaissance, il n’existe pas de rééditions, que ce soit des impressions posthumes avec les bois gravés du vivant de l’artiste ou avec des impressions à partir des bois regravés.

Caractéristiques des estampes
– Elles sont signées au crayon « Paul Jacoulet ».
– Elles portent un cachet rouge en forme de pêche, bateau, papillon…
– Elles sont numérotées au verso avec un cachet qui porte le numéro de tirage.
– Les tirages le plus souvent de 350 exemplaires.
– Elles portent le cachet de l’imprimeur et du graveur.
– Le titre est imprimé en français.
– Ses initiales J.P. sont en filigrane dans le papier.

Signature Paul Jacoulet peche signature à la pêche

Exceptions à tout ce qui vient d’être dit :
On peut trouver des estampes ni signées, ni numérotées. Elles pourraient avoir été mises hors commerce pour certaines raisons et récupérées puis vendues par les imprimeurs.

D’après Richard Miles, « Filles de la Brousse – Nord Célèbes » vers la fin de sa vie, a été tirée à 60 exemplaires maximum et elles portent le cachet PJ au verso au lieu du cachet portant le numéro de tirage.

Une estampe très chère : La Dame de Paris de 1934 , a été adjugée  25.000 dollars en 1980 lors d’une vente aux enchères.

Conseil :
Rechercher aussi des estampes japonaises dont les bois ont été gravés par Kentaro Maeda, le meilleur graveur du 20ème siècle et graveur  de  Paul Jacoulet de 1935 à 1960.

HK17 Hasui Kawase Saishoin Temple in Snow Hirosaki 1936 M   HK17 Hasui Kawase Saishoin Temple in Snow Hirosaki 1936 D

Hasui Kawase, Le temple Saishoin sous la neige, Hirosaki 1936, détail, gravure sur bois, estampe du mouvement « Shin hanga », éditeur Watanabe, graveur Kentaro Maeda,
biographie d’Hasui Kawase

Kentaro a aussi travaillé sur d’excellentes rééditions d’estampes classiques de l’Ukiyo-e souvent pour l’éditeur Yuyudo.
Il est toujours préférable quand on hésite entre 2 rééditions de choisir celles qui portent dans la marge le nom du graveur des bois et de l’imprimeur.
Réédition de Sharaku signée de Kentaro Maeda (exemple).

Réédition d’Hiroshige signée de Kentaro Maeda.

HG45 Hiroshige Tokaido 27 Fukuroi G

Bettina Vannier
www.artmemo.fr

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Paul Jacoulet, artiste français de l’estampe japonaise : technique, stylistique, sujets

Paul Jacoulet (1896-1960)

Suite de  : Pourquoi Paul Jacoulet est-il devenu un artiste français de l’estampe japonaise ?

Les estampes de Paul Jacoulet ont été réalisées au Japon de la façon la plus traditionnelle : des impressions sur papier issues de la gravure sur  bois.

Les estampes de Paul Jacoulet : point de vue technique

Paul Jacoulet utilise les techniques traditionnelles les plus virtuoses de l’estampe Ukiyo-e : pigments végétaux pour les encres, poudre de mica saupoudrée sur la surface ou fixée en couche sur le fond, poudres d’or et d’argent, poudre de perles, laque, gaufrage.
Il fait fabriquer un papier spécial pour ses estampes (le kizuki hosho), plus épais car le nombre de couleurs nécessite un nombre d’application de la feuille sur les bois encrés plus important qu’au temps de l’Ukiyo-e (rappel : une pour le trait de contour plus une pour chaque couleur). Pour certaines estampes, le papier est appliquées en effet 60 fois sur les bois.
Voir : Comment est réalisée une estampe japonaise ?
Il fait fabriquer son papier par le grand maitre Kihei Yamaguchi à Okamoto dans le département de Fukui.

Jacoulet a chercher
Gravure sur bois

Jacoulet, éditeur de ses propres estampes, dirige ses artisans.
Contrairement à la pratique européenne, l’estampe japonaise nécessite la réunion de 4 talents : l’artiste, le graveur, l’imprimeur et l’éditeur qui met sous contrat artiste et artisans. Jacoulet sera son propre éditeur. Extrêmement exigeant, il surveille méticuleusement les processus de gravure et d’impression, rejetant les estampes qui n’atteignent pas à ses yeux le niveau de qualité requis.

Le succès arrivant dès le démarrage de son atelier et il va recruter  » la crème  » des artisans, maitres graveurs et maitres imprimeurs.
Son premier graveur est Eijiro Urushibara et son premier imprimeur est Yamagashi
Kazuo . Puis il recrute les imprimeurs Shunosuke Fujii, Tetsunosuke Honda, Matashiro Uchikawa, Fusakichi Ogawa et Yoshizo Onodera
Enfin, il s’adjoint le graveur Kentaro Maeda travaillera avec lui toute sa vie.

Avec lui, le maitre-graveur Kentaro Maeda, le plus grand graveur du siècle
Né en 1891, il collabore avec Jacoulet de 1935 à 1960. Il travaillera parallèlement pour l’éditeur Shozaburo Watanabe à graver, entre autres, l’œuvre d’Hasui Kawase.
Shozaburo Watanabe est l’éditeur qui a initié le mouvement Shin hanga.
Kentaro a également travaillé pour l’éditeur Yuyudo à graver des rééditions d’estampes Ukiyo-e et des éditions commémoratives d’estampes de Goyo Hashiguchi.

Goyo Applying make up Kesho no onna 1918  M1 Watanabe A
Goyo Hashiguchi, Femme se poudrant, gravure sur bois, estampe du mouvement
« Shin hanga », éditeurs Yuyudo puis Watanabe, graveur Kentaro Maeda,
Source www.artmemo.fr

Kawase Hasui - Mare de Shiba Benten (HK15)D
Hasui Kawase, Mare de Shiba Benten 1929, détail, gravure sur bois, estampe du mouvement « Shin hanga », éditeur Watanabe, graveur Kentaro Maeda,
biographie d’Hasui Kawase

Stylistique
Qui dit estampe japonaise, dit dessin linéaire ( basé sur la ligne, sans modelé ni volume).
Ce sont ses professeurs à Tokyo Terukata et Shoen Ikeda qui lui enseigneront cette façon de dessiner. Il s’appuiera aussi sur l’étude des maitres de l’estampe :  » Pour apprendre les lignes, j’ai étudié Masanobu, Harunobu, Kiyonaga, Utamaro, Hokusai et d’autres peintres de l’ukiyo-e « .

La gravure sur bois ne permet pas véritablement la restitution des volumes. Seul l’usage des dégradés de couleur peut donner une impression de volume et de succession des plans mais Jacoulet ne le préconise pas à ses imprimeurs alors qu’à la même époque les estampes Shin hanga multiplient les effets de perspective grâce aux dégradés.
Sa technique : il fait un dessin à l’aquarelle et oriente son graphisme pour produire un dessin uniquement fondé sur la ligne. Il respecte ainsi la tradition japonaise et facilite le travail du graveur.

Jacoulet Les Deux Adversaires Gauche. Coree      Jacoulet-Les Deux Adversaires Droite. Coree
Gravures sur bois, Les Deux Adversaires , Corée

Choix et traitement du sujet : exotisme et amour des corps masculins
Ses sujets de prédilection : des portraits chargés d’exotisme.
La caractéristique de ses portraits : il représente le plus souvent des gens du peuple dans leur vie quotidienne banale ou festive. Il en fait une restitution toujours très fidèle mais le choix de ses sujets privilégie l’exotisme. Il s’attache à représenter les costumes, parures et les coutumes surtout de populations minoritaires risquant d’être menacées de disparition.
Son univers pictural est très sensuel, peuplé de corps graciles presque nus. Son amour pour les personnages masculins androgynes est omniprésent, jeunes éphèbes souvent maquillés, qui l’attiraient charnellement.

Jacoulet Basilio jeune garçon de Saipan tenant des coquillages. Mariannes 1934
Gravure sur bois, Basilio jeune garçon de l’ile de Saipan tenant des coquillages.
Mariannes 1934

Ses dessins, des témoignages ethnographiques ?
On ne peut ainsi pas prendre ses dessins comme des témoignages purement ethnologiques. Jacoulet est avant tout un artiste qui peut magnifier le réel ou le manipuler à son gré. De plus même s’il voyagera toute sa vie, il serait faux de dire que son inspiration ne vient que de ses voyages : il a pris souvent pour modèles des photographies, cartes postales ou livres documentaires.

La Chine
Concernant ses dessins et estampes sur la Chine, il n’a effectué qu’un court séjour dans le pays et s’est surtout inspiré d’images ou des représentations de l’Opéra de Pékin à Tokyo. L’origine de cette inspiration est visible. Ses personnages sont les plus figés de son corpus dessiné et semblent plutôt être des types physiques que des individus.

Jacoulet Chine Gravure sur bois

Micronésie (Mariannes, Carolines, Célèbes, Fiji, Yap, Iles Marshall)
On lui doit toutefois une grande exactitude dans la restitution des tatouages. Il les a véritablement observés et dessinés très exactement. Cette pratique rituelle extrêmement répandue est interdite par le japon aux iles Marshall en 1922 (Micronésie sous domination japonaise) et il en fait des relevés très précis et précieux pour les ethnologues aux iles de Saipan et de Yap (Micronésie).

Jacoulet tatouages Aquarelle

La Corée
Les estampes de Corée sont sans doute les plus belles. Il s’inspire de ses séjours et de la relation privilégiée qu’il a avec des coréens. Sa mère s’installera à Séoul avec son 2ème mari, un japonais. Son assistant le plus proche est coréen et Jacoulet adoptera sa fille unique Thérèse en 1951.
Les attitudes sont beaucoup plus naturelles et semblent vraiment saisies sur le vif. ( » De retour de banquet  » 1951, un personnage est ivre mort). Il dépeint des gens simples avec une grande exactitude et l’on sent la tendresse qu’il a parfois pour ses modèles. Il travaille énormément les nuances de blancs des costumes.

Jacoulet retour de banquet Corée
Gravure sur bois, De retour de banquet – Corée, 1951

Japon
Il  laissera des dessins des populations d’Hokkaidô, Izu, Kobe et Sawara.

Suite : Collectionner les estampes de Paul Jacoulet

Bettina Vannier
www.artmemo.fr

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Pourquoi Paul Jacoulet est-il devenu un artiste français de l’estampe japonaise ?

Paul Jacoulet (1896-1960) est un artiste français enfin reconnu dans son pays 50 ans après sa mort. Une première exposition lui a été consacrée à la B.N.F. en 2010. Puis en 2013, une exposition lui rend hommage au musée du Quai Branly :
« Un artiste voyageur en Micronésie, le monde flottant de Paul Jacoulet ».
(L’expression « monde flottant »est la traduction du terme Ukiyo-e signifiant « image du monde flottant », terme qui désigne  l’estampe japonaise de 1650 à 1912).

affiche Jacoulet

Paul Jacoulet est original à deux titres :
– C’est un français, élevé et éduqué au Japon.
– C’est un artiste qui a choisi de s’exprimer en faisant transposer ses aquarelles en estampes « à la japonaise », c’est-à-dire en  impressions sur papier issues de la gravure sur bois.

Courte biographie

Né à Paris en 1896, il a 3 ans quand sa mère rejoint son père, professeur de français au japon. En découle alors une éducation axée sur les arts des deux cultures : dessin à l’occidentale et calligraphie orientale, violon et shamisen puis chant traditionnel (gidayu).
Dessinateur très doué, il prend des cours à 13 ans avec le couple d’artistes
Terukata et Shoen Ikeda.

En dehors de son talent, 3 éléments vont orienter son destin : sa santé est et restera très mauvaise,  il recopie des estampes d’Utamaro chez les Ikeda, il a vu des tableaux de Gauguin lors de son unique séjour en France avec son père en 1907.

Il  collectionnera avec passion  les papillons (30 000 répertoriés). Son goût pour ces insectes éveillera et renforcera  son talent de coloriste.

jacoulet en pied

Il voyagera régulièrement. Il parcourt la Micronésie, la Corée, un peu la Chine. Sa santé se détériore en 1953 mais  il visite encore en 1954-1955, Hong-Kong, Singapour l’Australie, Tahiti et l’Amérique du sud. En rentrant, il dessine encore en souffrant et continuera jusqu’à la fin de sa vie. Il meurt en 1960, d’un diabète mal soigné.

Paul Jacoulet dessinera à la mine de graphite et à l’aquarelle toute sa vie  des personnages rencontrés dans ses voyages privilégiant 4 destinations qu’il illustre en alternance : Micronésie, Corée, Chine et  Japon.
Le Japon semble naturel mais les 3 autres territoires le sont également car ils sont à cette époque sous mandat ou domination japonaise.
De 1934 à 1960, ses meilleures aquarelles seront transposées en estampes à la japonaise. Dans ce but, elles seront gravées sur bois puis imprimées par des maitres artisans sous son contrôle dans l’atelier qu’il a crée. Il en fera lui-même le commerce.

autoportrait 1942     Autoportrait 1942, aquarelle

Quand Paul Jacoulet, devient un artiste de l’estampe.

L’extrême influence de l’estampe Ukiyo-e
Avec les Ikeda, il pratique surtout le dessin de portraits féminins (bijin-ga) et  recopie des estampes d’Utamaro. Puis jeune adulte,  il collectionne les estampes qu’il achète dans le quartier de Kanda à Tokyo : Utamaro, Choki, kiyonaga… Ces trois artistes privilégient des représentations de figures féminines. C’est donc naturellement qu’il va choisir de dessiner des portraits à la japonaise, basé plutôt sur la ligne que sur le volume, et de les faire transposer en estampes par le biais de la gravure sur bois.
Toute sa vie, il sera influencé par Utamaro. Mais il ne va jamais paraphraser les grands maitres.

Jacoulet Chine 2

Le passage à l’acte de création
Son père est mobilisé en 1916, se bat à Verdun, en revient très affaibli et décède en 1921. Paul  a besoin de travailler mais en même temps veut devenir artiste. Il fréquente des acteurs de Kabuki, joue des percussions dans un orchestre puis s’embarque en 1929 pour les iles de Micronésie invité par un ami. Il y fera plusieurs séjours entre 1929 et 1932.
En 1930, le professeur Fujitake Shizuya  lui conseille de transformer ses aquarelles en estampes.  Il fait à Jacoulet le compliment suivant : il est le seul artiste capable de représenter les corps comme un japonais c’est à dire sans tomber dans le piège des techniques de représentation occidentales : le modelé, une perspective trop mathématique, le clair-obscur.  En effet, il travaille plutôt par aplats de couleurs comme le faisaient les artistes de l’Ukiyo-e.

Il  passe à l’acte en 1933 et fonde  « l’institut de gravure Jacoulet », édite sa première estampe en 1934 puis son premier album « album des mœurs du monde ». Sa connaissance du Japon et ses voyages en Micronésie seront sa première source d’inspiration.
Il fera  tout de suite sa première exposition au grand magasin Mitsukoshi à Tokyo ce qui est une manière courante de vendre pour les artistes au Japon..

Jacoulet Guiltamag, jeune homme de l'île de Yap Ouest Carolines Crayon et aquarelle sur papier
Guiltamag, jeune homme de l’île de Yap, Ouest Carolines,  Crayon et aquarelle sur papier

Le succès au rendez-vous
Son atelier est une réussite et lui permet de vivre. Il sera exposé au Japon, en Corée, à Los Angeles, Hawaï,  Helsinki,  Perth (Australie) donc l’Asie et le monde anglo-saxon mais jamais en France. Ceci  explique qu’on en est  une connaissance si tardive. Le monde anglo-saxon est amateur de la gravure sur bois du 20ème siècle et se passionne pour le mouvement Shin hanga (« Nouvelle estampe »). Pour l’Europe, notamment la France, l’estampe japonaise s’est arrêtée à la fin du 19ème siècle.

Jacoulet Les Enfants Aux Yeux Jaunes, 1940
Les Enfants Aux Yeux Jaunes, gravure sur bois, 1940

Paul Jacoulet dans le contexte artistique de son époque
Il commencera son activité d’éditeur et de dessinateur d’estampes quand l’art de la gravure sur bois commence un retour en grâce après être tombé en désuétude.
Avec l’ouverture économique du Japon en 1853, avec la modernisation frénétique du pays à partir des années 1870, les Japonais n’ont d’yeux que pour ce qui vient d’Occident. Avec la photographie et la lithographie pour concurrentes, l’estampe perd alors son statut de medium privilégié.

Le mouvement Shin hanga avait initié une renaissance de l’estampe japonaise à partir de 1905 grâce à l’éditeur Shozaburo Watanabe. La « Nouvelle estampe « allait durer jusque dans les années soixante.
Paul Jacoulet va participer à ce renouveau mais en ne paraphrasant jamais les maitres anciens. Il ne donnera pas non plus d’images romantiques d’un Japon qui n’existe plus comme la plupart des artistes de cette époque.

Il travaille comme un homme de son temps, ouvert sur le monde, fasciné par des cultures et des traditions différentes.  Ethnologue amateur, il collectionne les images des peuples qu’il rencontre comme il collectionne les papillons.  Il vise à conserver par le dessin  la trace de pratiques, de rituels dont il pressent la disparation.

  Jacoulet le mandarin aux lunettes
Le mandarin aux lunettes, gravure sur bois

Suite : Paul Jacoulet, artiste français de l’estampe japonaise : technique, stylistique, sujets

Bettina Vannier
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La dame à laquelle je vole un catalogue tous les ans au Salon de l’estampe de Paris

La dame à laquelle je vole un catalogue tous les ans au Salon international de l’estampe de Paris, c’est…

Brigitte Harcq
Madame Brigitte Harcq de la galerie le Tout Venant Prints – Bruxelles – Belgique

Tous les ans, je me rends au Salon international de l’estampe qui a lieu au Grand palais à Paris. Je fouille, je découvre, je chine et je tombe toujours en arrêt devant le stand de la galerie Le Tout Venant Prints.

Le Tout Venant est une galerie belge qui propose des estampes d’artistes de ce beau pays. Elle a deux propriétaires mais je visualise mieux Madame Brigitte Harcq que j’entrevois tous les ans (… désolée Monsieur Guillaume Choveaux).

Le panorama des artistes belges présentés par le Tout Venant semble sans fin.
J’en rencontre de nouveaux tous les ans : artistes symbolistes de la fin du 19ème siècle, maitres de l’Art nouveau, expressionnistes du début du 20ème  dont les merveilleux xylographes des années 1920-1930 par exemple.

Car toutes les techniques de production de pièces originales multiples sont représentées : la lithographie, la taille-douce (gravures sur métal), la gravure sur lino, la xylographie (gravure sur bois).

Il va sans dire que ces dernières attirent toute mon attention,  étant moi-même marchande d’estampes japonaises issues de cette technique et spécialisée dans l’estampe du 20ème  siècle « Shin hanga » (Nouvelle gravure) sur le site Artmemo.

Et à chacune de mes visites, je me dis : « ces artistes de la gravure sur bois sont extraordinaires et à faire connaitre absolument  aux collectionneurs français »  et je vole le catalogue dans une pile qu’elle met à la disposition des visiteurs.

Dans un sens ce n’est pas vraiment un vol car il est disponible  gratuitement mais je suis culpabilisée de prendre ce petit objet d’art. Produire un tel catalogue coute très cher et j’en prends un exemplaire qui pourrait amener un client potentiel.
Donc je culpabilise et je rentre le feuilleter à la maison…Et là, je ne culpabilise plus car je me délecte…

Je pense pouvoir dire que Madame Brigitte Harcq est ultra-passionnée. Elle cherche les estampes, identifie les artistes,  documente les œuvres. Elle fait un travail de vrai professionnelle du marché de l’art dans son rôle de chercheur et de promoteur de techniques ou d’artistes.
Sa mission pourrait être de faire découvrir aux français l’estampe belge et plus particulièrement les artistes de la gravure sur bois expressionniste flamande.

Je crois pouvoir dire que l’accueil qu’elle réserve aux amateurs et collectionneurs sur son stand du Salon international de l’estampe à Paris est toujours simple, chaleureux et bienveillant (je laisse trainer mes oreilles…) et que beaucoup de fidèles reviennent d’une année sur l’autre.

NB : Depuis la première version de cet article, je suis allée rencontrer Mme Harcq et
M. Choveaux au Salon international de l’estampe 2013. Un besoin d’apaiser ma conscience après tous ses larcins… J’ai pu constater que ces deux spécialistes de l’estampe sont aussi ultra-passionnés l’un que l’autre et qu’ils reçoivent avec une égale bienveillance les visiteurs
.

On peut penser que j’écris très favorablement pour me faire pardonner mes « vols » de catalogues. Je vais démontrer le contraire en tentant quelques critiques :

Euh…une seule finalement : la galerie n’a pas de site Internet et il est frustrant de pas voir les estampes autrement qu’au Salon international de l’estampe à Paris ou en se rendant à Bruxelles.
Ma dernière découverte toutefois, elle a une page Facebook avec beaucoup de photos (donc je dois atténuer la critique) : www.facebook.com/prints.letoutvenant

NB : J’ai donc fait ma visite 2013 et je vais pouvoir émettre une nouvelle critique (chic !). Le cru 2013 du Tout-Venant : j’ai vu encore plus d’artistes, d’œuvres enthousiasmantes, je suis allée de coups de cœur en étonnements… La collection proposée s’enrichit visiblement chaque année un peu plus . Mais pour toutes les raisons évoquées précédemment, c’est un des stands du Salon le plus fréquenté. De nombreux visiteurs s’y bousculent, les collectionneurs s’y précipitent et j’ai été un peu gênée pendant mes 45 minutes  de consultation des œuvres.
Donc j’aimerais  que le stand soit un peu plus grand l’année prochaine…

Le Salon international de l’estampe est le grand rendez-vous des amateurs d’œuvres multiples plus accessibles que les pièces uniques mais tout aussi originales. A ce salon, se joint, selon les années, le Salon du  livre ancien.
Dans ce cadre, une visite à Madame Brigitte Harcq et à Monsieur Guillaume Choveaux au stand de la galerie Le Tout Venant Prints s’impose.

Brigitte Harcq et Guillaume Choveaux
Galerie Le Tout Venant Prints,
13, rue Saint-jean
1000 Bruxelles

Sur rendez-vous uniquement.
Tél.: 0032 476 80 40 83 et 0032 477 51
letoutvenant@hotmail.com

Les artistes belges de la gravure sur bois vers 1920-1930 en quelques mots :
Gravures en noir et blanc, stylisation et géométrisation, épuration  du dessin, aplats d’encre noire.
Traitement expressionniste : tension, anxiété, subjectivité de l’artiste.
Style épuré et géométrique des années 1930, influences des arts primitifs en général (de l’art africain en particulier), du cubisme et du futurisme.

Quelques artistes parmi bien d’autres :
(Textes provenant principalement des catalogues de la Tout Venant Prints)

Albert Daenens
Albert Daenens (1883- 1952) – Gravure sur bois
Dirige la revue anarchiste « Haro »,  caricature la bourgeoisie et le militarisme.

Frans Masereel (1889 – 1972) Mélancolie bois 1924
Frans Masereel (1889 – 1972) -Gravure sur bois
Beaucoup de voyages, a travaillé à Montmartre
En 1950, il obtient le Grand Prix International de la Gravure à la Biennale de Venise. Il est également nommé membre de l’Académie Royale de Belgique en 1951.

Jan Cockx 1921 9 bois abstraits 100 ex couv bois couleur                  Jan Cockx 1921 9 bois abstraits 100 ex

Jan Cockx (1891-1976) – Recueil de 9 bois abstraits 1921 (La couverture à gauche)
vendu par la galerie.
Expressionniste puis orientation vers le cubisme.
La Princeton University Library en conserve un un exemplaire.
Œuvres exposées au musée d’Anvers

Joseph Cantré (Gand 1890-1957) Gravure sur bois
Groupe de Vijf (les cinq) (voir plus bas)
Sculpteur
Professeur de typographie à La cambre
Œuvres au musée d’Anvers et de Bruxelles.

Jan Franz Cantré (1886 – 1931) Gravure sur bois
Frère du précédent.
Acteur de la renaissance xylographique en Flandre en fondant en 1920 à Anvers le Groupe des cinq avec son frère Josef, Joris Minne, Franz Masereel et Henri Van Straten.
Créations cubistes puis facture plus réaliste

Henri Louis Philippe Le Roux (1872- 1942) Gravure sur bois
Peintre et xylographe,
Cercle des XV en 1925,
Œuvres exposées dans plusieurs musées belges.

Gustave de Smet (1877-1943) Gravure sur bois
Peintre impressionniste influence par la sécession allemande et autrichienne.
Puis découvre l’expressionnisme allemand et la revue Sélection le considère comme le chef de file de l’expressionniste flamand.
Exposés dans beaucoup de musées en Belgique, Pays-Bas, France.

Gisbert combaz moulins      Combaz Libre Esthetique 1906     Gisbert Combza bateaux

Gisbert Combaz 1869 – 1941 Grand artiste de la lithographie
Peintre, graveur, illustrateur, sculpteur, affichiste.Un des principaux protagonistes de l’éclosion de l’Art nouveau en Belgique.
De 1897 à 1914, il participe aux expositions de La Libre Esthétique.
Son talent se développe dans l’art de la gravure. Il crée des tissues, des tapis, des céramiques, des cartes postales et surtout des affiches. Ses Œuvres sont représentées au musée d’Ixelles.

1898_Gisbert_Combaz_La_Libre_Esthetique      Gisbert combaz peacock
Gisbert Combaz Le paon
Affiche du Salon de La Libre Esthétique 1899

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Qu’achète-t-on dans une vente aux enchères consacrée à la bande dessinée ?

Le succès des ventes aux enchères de bandes dessinées ne se dément pas. Le marché est en pleine expansion.
Et la chose est sérieuse : le lot peut-être un album de Boule et Bill mais l’ambiance est aussi tendue que quand un incunable* passe sous le marteau.
(*Un incunable est un livre imprimé eu Europe à partir de la mise au point de l’imprimerie  vers 1450 et jusqu’en 1500.)

En décembre 2012, la maison de vente Millon a organisé une vacation en duplex entre Paris et Bruxelles. De nouveaux records sont tombés :
– une planche d’Astérix, signée Uderzo, (La grande traversée) a été adjugée 134 948 €,
une planche rare de Roba, extraite de l’album « Jeux de Bill » , estimée entre
25 000 et 30 000€,  a atteint 40 483€,
– un gag de Gai-Luron
réalisé par Gotlib, estimé à 3 500€, a trouvé preneur à 5 158€.

ROBA ok

Mais qu’achète-t-on dans une vente aux enchères consacrée à la bande dessinée ?
Ce qui est proposé en vente régulièrement :
– des albums en édition originale (c’est-à-dire la première édition d’un album,  les éditions suivantes étant des rééditions),
– des rééditions d’albums anciennes,
– des « originaux », c’est à dire les dessins préparatoires, jalons du  processus de réalisation :
étape 1 : les « crayonnés » qui sont les croquis à la mine de plomb sur papier ou sur calque,
étape 2 : les dessins à l’encre de Chine,

étape 3 : les « bleus de coloriage » : la première impression en bleu clair sur laquelle dessinateur vient de mettre ses couleurs.
– des objets dérivés : de la statuette en plastique jusqu’à sculpture issue d’une fonte à la cire perdue.

Nous nous proposons d’étudier les résultats d’une vente aux enchères du 17 mars 2013 qui a eu lieu à la La Banque Dessinée, maison de vente dédiée à la BD à Bruxelles.

Quelques exemples de prix et leurs justifications  :
I Les albums

La distinction entre une première édition (dite édition originale) et une réédition :
Première édition
Blake et Mortimer, Le Secret de l’Espadon 1, édition de 1950. Très très bon état. 1000€

Réédition ancienne
Blake et Mortimer : Le Secret de l’Espadon 1, édition de 1955. Très très bon état. 500 €

Importance de l’état de conservation qui se décline ainsi
Etat neuf, proche de l’état neuf, très très bon état, très bon état, bon état.

Tintin au pays des soviets faisant partie de l’édition originale de 1930 (en noir et blanc) :
une en TBE : 10 000 €  (estimation 7000/8000 €)
une en BE :  4000 € ( estimation 5000/6000 €)

Subtilité
3 Tintin au Congo , noir et blanc à cette époque,  TTBE tous les 3 :
1931  édition originale 5000 €
1937  réédition  1800 €
1942  réédition 2800 € – Plus chère ? oui, car pendant la guerre et publication malgré la difficulté de la période.

La Belgique est le pays de la BD mais le pays d’origine du dessinateur fait la différence :
Astérix le Gaulois, édition originale cartonnée française de 1961.
Très très bon état. 1600 €

Astérix le Gaulois, édition originale belge brochée de 1961.
Très très bon état. 600 €

La rareté, bien sûr plus on avance dans le temps, plus elle est relative :
Blueberry Le Cavalier perdu,
Tome 1 édition originale cartonnée française de 1968. Etat neuf. 2600 €
Tome 2, édition originale de 1964. Etat neuf. 1400 €
Tome 3, édition originale de 1966. Proche de l’état neuf. 180 €
Tome 4, édition originale de 1967. Etat neuf. 120 €

II Les originaux (ensemble des dessins préparatoires)
(Les fiches explicatives du catalogue sont reprises.)

1) Les crayonnés (les croquis à la mine de plomb sur papier ou sur calque)
Préalable :
Les « mines de plomb » sont courantes dans les ventes. Qu’appelle-t-on une « mine de plomb »
 ?
Il s’agit en fait d’un dessin à la mine de graphite.
Jusque dans les années 1850, la mine de plomb était vraiment un stylet de plomb ou d’alliage à base de plomb et d’étain avec lequel on dessinait  sur parchemin ou papier depuis l’antiquité. Actuellement, les outils de dessin vendus sous l’appellation mine de plomb sont uniquement des mines de graphite.
On obtient avec la mine de plomb moderne (bâtonnet de graphite de 5 à 7 mm d’épaisseur) une intensité plus modulable  et une épaisseur du trait plus précise qu’avec un crayon de graphite (crayon à papier). Cette intensité dépend de la pression sur la mine.

Les exemples :
Franquin
Spirou et Fantasio , ensemble de 2 calques à la mine de plomb pour l’étude des planches n°27, 28 et 29 de l’épisode « Z comme Zorglub » publié aux Editions Dupuis en 1961.
Dimensions : 36 x 19 (pliure au milieu) et 36 x 24 (pliure au milieu et manque de calque en bas à droite).
1600 €

Albert Uderzo et René Goscinny
Astérix, mine de plomb pour la planche 34b de l’épisode « La Grande traversée » par  publié aux Editions Dargaud en 1974. « ils sont fous ces Gaulois »…. Dimensions : 40 x 25.
C’est la première fois qu’une planche crayonnée d’Astérix est proposée en vente publique, pièce ultra-rarissime puisque tous les crayonnés de la série sont conservés chez l’auteur. Provenance de la famille Dargaud.
32000 €

2) Encre de Chine et mine de plomb sur calque
Ce calque représente l’ultime étape avant la mise à l’encre définitive. Il permet de choisir le trait le plus adapté afin de garantir l’expressivité maximale. Les amateurs considèrent cette étape comme étant la plus intéressante graphiquement car le trait reste vif, non figé, moins théâtral.
Jacobs
Blake et Mortimer, planche préparatoire n°21 à l’encre de Chine et à la mine de plomb sur calque de l’épisode « Le Piège diabolique », publié aux Editions du Lombard en 1962.
Dimensions : 39 cm  x 45 cm.
22 000 €

3) Encre de Chine seule
Peyo
Johan et Pirlouit, illustration à l’encre de Chine sur papier dessin pour la couverture de la réédition l’épisode « Le Lutin du bois aux roches » publié aux Editions Dupuis en 1967. Signée. Dimensions : 33 x 47. On y joint la mise en couleur réalisée sur calque. 65 000 €

4) Bleu de coloriage
L’imprimeur  fournissait au dessinateur une reproduction (sorte de photocopie) sur carton de sa planche mise en format album. Les traits de contour étaient bleu clair ou gris pâle. On les appelle donc « carton » ou « bleu de coloriage ». Le dessinateur posait  ses couleurs sur cette épreuve puis elle partait à l’impression. Depuis la PAO, cette étape n’existe plus.

296

Hergé
Tintin et Milou, bleu de coloriage à l’aquarelle et à la gouache blanche sur une épreuve imprimée pour la page n°54 de l’album « L’Ile noire » publié aux Editions Casterman en 1943. Dimensions : 20 x 29.
5400 €

III Les objets 3D
Les objets sont précédés de la marque du fabricant.
275
LEBLON-DELIENNE : Hergé, Tintin, saute au-dessus du tronc d’arbre (61), Le Secret de la Licorne, 1995, 30 cm.
800 €

269

AROUTCHEFF : Franquin, Spirou & Spip sur la Renault 4CV (D150), 1ère version de fabrication française, +/- 350 exemplaires (999 prévus mais non réalisés), 2000, 30 cm,
900 €

270

AROUTCHEFF : Hergé, Tintin, la grande fusée (H05.07), Objectif lune, 1ère version bois, 1988, 114 cm
2600 €

Tintin neujean

Une sculpture de Neujean
Tintin et Milou, exemplaire de la maquette de 72 cm, bronze et bain d’or, coulé selon la technique dite « à la cire perdue », épreuve unique, offert par le sculpteur Nat Neujean en 1975 à son fondeur De Andreis à Milan.
Avec le certificat d’authenticité et une lettre d’attestation du fondeur.
34 000 €

Conseil à la vente
Pour connaitre le prix de vos albums de Boule et Bill avant de foncer  chez un commissaire-priseur, consultez l’argus de la BD qui fait autorité sur le marché
:

BDM

« Trésors de la Bande Dessinée BDM catalogue encyclopédique »
Michel Bera, Michel Denni & Philippe Mellot  BDM 2011-2012, Ed. l’amateur,
15 cm x 22 cm, broché avec 1184 pages
Cette 18ème édition recense la bande dessinée de 1829 à nos jours.  Elle s’adresse autant à l’amateur éclairé qu’au libraire, à l’historien qu’au collectionneur.
Avec plus de 100 000 albums, cette dernière édition comporte environ 6000 nouveaux albums supplémentaires et une section spéciale de plus de 50 pages permettant de mieux identifier et dater les albums Tintin.

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Un Kandinsky adjugé 23 millions de $, pourquoi est-ce un record pour cet artiste ?

wassily_kandinsky_studie_fur_improvisation_8_1909 huile 98 x70 christies 01112012 23 000 000£ 17 900 000 € record mondial

Wassily Kandinsky (1866-1944)
Etude pour Improvisation 8
1909 Huile sur carton montée sur toile
98 cm x 70 cm
Christies New York – vendue 23 042 500 $ en novembre 2012

1°) Les 4 conditions pour une œuvre de qualité sont remplies
Une conjoncture particulière en arrière-plan : le marché des œuvres de grande qualité continue de s’accélérer, boosté par la demande des nouveaux collectionneurs fortunés des pays émergents.

Les collectionneurs de chef-d’œuvre  privilégient :
– la provenance : cette œuvre a peu changé de mains, 4 propriétaires seulement depuis 1909.
– l’état : parfait, une remarquable fraicheur des couleurs (et Kandinsky…C’est la couleur…).
– l’esthétique,
– l’intérêt pour l’histoire de l’art : un jalon important sur le chemin de l’abstraction qu’empreinte Kandinsky à partir de 1908.

2°) Cette œuvre se rattache encore à cette époque à l’expressionisme allemand…
Qu’est ce que l’expressionnisme ?
Il s’agit plus d’un état d’esprit que d’un mouvement.
L’état psychique du peintre transparait sur la toile. La réalité est déformée pour en accroitre le pouvoir expressif.  La subjectivité de l’artiste transparait quelque soit le sujet (portrait ou paysage). Son émotion s’exprime par la couleur.

Les deux générations d’expressionnistes :
– 1ère : Van Gogh est un précurseur car la violence de sa touche est liée à son état psychique, Ensor (belge), Munch (norvégien, le cri 1893).
– 2ème :
Les allemands : Die Brücke 1905-1913, die Blaue Reiter 1911-1914 auquel Kandinsky appartient. Kandinsky est russe mais vit à Munich à cette époque.
Les français : Les Fauves.

…Mais elle est un des jalons sur le chemin de l’abstraction.
Le lyrisme de ses paysages expressionnistes simplifiés va le mener à l’abstraction.
L’abstraction est une plus des grandes révolutions dans l’art : on élimine le sujet.
Kandinsky est le premier peintre abstrait et un grand théoricien.

a) Les conditions de la révolution « abstraite »
1910-1020 : 3 peintres arrivent à l’abstraction sans se connaitre
-Kandinsky (russe) vers 1910 avec l’abstraction lyrique,
-Malevitch (russe) en 1913 avec le suprématisme,
-Mondrian  (néerlandais) en 1914 avec le néoplasticisme.
Ils y arrivent par une démarche philosophique et émotionnelle.

b) Pourquoi cette période est celle du passage à l’abstraction ?
Une recherche de  spiritualité est caractéristique de cette époque : chercher un environnement « idéaliste » pour détrôner le matérialisme.
Donc le travail de l’artiste ne s’oriente plus vers le sujet mais vers le contenu même de l’art, son essence, son âme.

c) Un jalon sur le chemin de l’abstraction
Quand il peint cette toile, Kandinsky n’est pas arrivé à l’abstraction mais il n’est plus dans l’imitation de la nature.
Son cheminement :
Ayant fait une mission d’étude de droit coutumier russe dans sa jeunesse, il a découvert l’art populaire et religieux (ce qu’il montre ici).
En 1895, il a vu une Meule de Monet. Il a été ébloui mais sans en percevoir ce qu’elle représentait. Il a alors conçu l’idée de la perte de l’importance du sujet.
En 1908, il a vu une de ses toiles à l’envers. Il prend alors conscience que l’objet nuit à sa peinture et  se met en marche vers  l’abstraction par le biais de la couleur.
Entre 1908 et 1912, les couleurs sont arbitraires, les formes se dissolvent, l’objet devient un signe. Il passe à l’abstraction.

d) La suite : premières œuvres abstraites de l’histoire de l’art
La 1ère aquarelle abstraite de Kandinsky est peinte en 1909 mais visible qu’en 1913.
Sa 1ère œuvre abstraite connue : Avec l’arc noir en 1912.
Il élimine l’objet mais par quoi remplacer l’objet disparu ? Par la spiritualité…
Ses toiles abstraites s’adresse à l’âme.
Il utilise les qualités spatiales et affectives des couleurs pour provoquer une réaction intime chez le spectateur.
Cette abstraction est dite lyrique : le sujet est banni et les couleurs règnent en maître.
Les propriétés spatiales de la couleur sont exploitées : les tons chauds projettent le motif en avant, les tons froids projettent le motif vers l’arrière. Elles agissent sur les sens.
Kandinsky l’écrit : « Le jaune est terrestre, le bleu céleste, le rouge déborde d’une vie ardente et agitée ».

Kandinsky avec l arc noir 1912 Centre PompidouAvec l’arc noir en 1912 Centre Pompidou Paris

3°) Le thème de cette toile
Pour certains, la figure avec l’épée peut être Saint Georges, un motif fréquent dans la peinture de Kandinsky à cette époque.  D’autres théories soutiennent que les personnages masculins sont des fils de Vladimir le Grand, sous l’autorité duquel Kiev est passée du paganisme au christianisme à la fin du 10ème siècle.
Les sujets mystiques et inspirés de l’époque féodale sont récurrents entre 1908 et 1912 dans sa peinture : Saint Georges, châteaux, cavaliers…

4°) Pourquoi le titre : Etude pour Improvisation 8
Il a, à cette époque, 3 types de productions :
–  Les Impressions : nées du contact avec une réalité extérieure (la musique, l’histoire, le mysticisme…),
–  Les Compositions : expressions composées donc œuvres construites,
–  Les Improvisations : expression inconsciente, subjective, émotions, appel à la mémoire et aux analogies.
Un but  commun : provoquer une réaction intime chez le spectateur.
L’ »Etude pour Improvisation 8″ et sa version finale sont les derniers de sa série « Improvisation ».

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Hokusai, un artiste de l’estampe inspiré par le progrès

Hokusai et les 36 vues du Mont Fuji : 46 paysages tout en bleu…

Hokusai Katsushika  (1760-1849) a entrepris dans sa 70ème année cette célèbre série qui représente le Mont Fuji vu depuis toutes les provinces qui l’entourent.
Il s’agit d’une innovation artistique et une prise de risque pour l’éditeur car en 1830 rares sont les estampes dont le sujet unique est la description d’un paysage.

Hokusai – Les 36 vues du Mont Fuji
La riviere Tama dans la province de Musashi1830-1832

Mais à cette époque, les débuts du tourisme moderne au Japon orienté vers la contemplation de sites célèbres vont entrainer le développement de l’estampe de paysage. Le succès de cette série est tel que le nombre de 36 vues prévu initialement est dépassé et 46 estampes au total  sont éditées entre 1830 et 1832 ou 1833 (on ne sait pas exactement).
C’est en fait entre 1830 et 1835 qu’ Hokusai dessine les plus beaux paysages de son œuvre en 3 séries : les 36 vues du Fuji, les Cascades, les Ponts remarquables du Japon. Ces séries d’estampes ont 3 points communs :
– elles révèlent la maîtrise du paysage chez l’artiste,
– elles sont le résultat de ses pérégrinations à travers le japon,
– elles utilisent très largement le bleu de Prusse.

Hokusai – Les 36 vues du mont Fuji
Vue des magasins Mitsui de Surugacho à Edo – 1830

Le bleu de Prusse ou bleu de Berlin est connu au Japon depuis la 2ème moitié du 18ème siècle grâce aux marchands chinois et hollandais présents à Nagasaki, le reste du Japon leur étant fermé.
Il fut activement importé à partir de 1829 déclenchant une utilisation sans précédent dans l’estampe Ukiyo-e. Le trait de contour des 36 premières estampes de la série du Mont Fuji est imprimé avec du bleu de Prusse au lieu du noir de l’encre de Chine.
D’origine européenne, l’utilisation du bleu de Prusse constitue un tournant majeur dans l’esthétique de l’estampe japonaise.

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Une nouvelle tendance sur le marché de l’art américain : l’art patriotique

Le marché de l’art américain est naturellement porté sur l’achat  des artistes à la mode dont la cote est gonflée à la fois par une demande forte et la rareté qu’entretiennent les galeries.
Mais depuis 2010, on assiste aux USA à l’émergence d’un goût nouveau pour un art américain qu’on peut appeler « patriotique » dont l’esthétique est figurative et traditionnelle.

Un exemple significatif est le prix atteint par « Octobre à Cape Cod » du peintre réaliste Edward Hopper (1882-1967) vendu 9.6 million $ chez Christie’s.

edward_hopper_october_on_cape_cod_d5631572h

Edward Hopper (1882-1967)
Octobre à Cape Cod 1946
Huile sur toile
66,7 cm x 107,3 cm
Vendue 9.6 million $ en novembre 2012 chez Christie’s  New York

Cette vente représente également un record pour une enchère on-line (lancée en ligne sur internet)  dans une vente aux enchères permettant cette facilité.

Novembre 2012 a vu une autre adjudication confirmer cette tendance. L’aquarelle Golden Dream de Charles Ephraim Burchfield a été adjugée 1,202,500 $ pour une estimation de 300 000$ à 500000$.

Ce peintre est un aquarelliste quasiment inconnu en dehors des USA.

charles_ephraim_burchfield_golden_dream_d5631569h

Charles Ephraim Burchfield (1893-1967)
Golden Dream
Aquarelle
83.2 cm x 101 cm
Estimée : 300 000$ – 500000$
Adjugée : 1 202 500 $

Un autre artiste de l’art patriotique a été également distingué. Il s’agit de Norman Rockwell (1894 – 1978) dont le style est plus familier aux européens. Il semble, en effet, emblématique de l’illustration réaliste à l’américaine, à mi-chemin entre la bande dessinée et l’affiche publicitaire. Le 3 février 2010 pour l’anniversaire de la naissance de Norman Rockwell, Google a modifié sa page d’accueil.

Sa toile The muscleman de 1941 a été adjugée 2 210 500 $ pour une estimation de
600 000 $ – 800 000 $ en novembre 2012 chez Sotheby’s New York.

Norman-Rockwell-The-Muscleman

Norman Rockwell (1894 – 1978)
The muscleman 1941
Huile sur toile
88,9 cm x  63,5 cm
Estimée :  600 000 $ – 800 000 $
Adjugée :  2 210 500 $ (frais compris) en novembre 2012 chez Sotheby’s New York

Autre exemple :

nr1
Norman Rockwell (1894 – 1978)
Doctor and Doll
Huile sur toile
83,8 cm x 61 cm
Estimée :  500 000 $ – 700 000 $
Adjugée 1 874 500 $ (frais compris) en novembre 2012 chez Sotheby’s New York

Que faut-il en déduire ?
On peut en déduire que le marché de l’art américain fait un détour par la raison. Un groupe de collectionneurs est en train d’ignorer les grands noms de l’art contemporain et de se recentrer sur l’art figuratif américain. Nul doute que la cote de ces artistes va bondir et attirer de nouveaux investisseurs.

Reste à savoir si l’offre proposée pourra satisfaire la demande. Une des causes du succès de l’art contemporain est la rareté des pièces de l’art moderne (des impressionnistes aux années 50) sur le marché.

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Qu’achète-t-on quand on achète une estampe de Rembrandt ?

La grande majorité des gravures de Rembrandt vendues aujourd’hui dans le monde entier sont des impressions posthumes (imprimées après la mort de l’artiste).  Les copies ou les gravures « à la manière de » circulent en permanence. L’existence de plusieurs catalogues raisonnés (au lieu d’un en référence) rend l’identification certaine difficile.

Entre tirages médiocres et pièces intéressantes, on trouve couramment en vente sur le marché des gravures de Rembrandt de 500 € à 30 000 €. Les très belles pièces authentifiées s’échangent de 100 000 € à 700 000 €.

La suite de cet article a été transféré sur le site Prodezarts :

Cliquez ici pour savoir ce qu’on  achète quand on achète une gravure de Rembrandt ?

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